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L’union de l’âme à Dieu

 

« Caritas Dei diffusa est in cordibus nostris » (Romains V, 5)

 

 

Si nous nous disposons à accueillir passivement, en nous, l’effusion de la grâce – qui participe d’une dimension purement surnaturelle, ce qui signifie qu’elle nous dépasse de façon absolue –, nous pouvons être convaincus que l’œuvre divine agira efficacement, car il n’y a de grâce « qu’efficace », ainsi que le démontra fort bien Blaise Pascal (1623-1662) dans les Provinciales[1], et ce quel que soit l’état de notre nature déchue, car la grâce est un don immérité, un don entièrement gratuit qui ne s’obtient pas par des efforts, des pratiques ou des industries humaines exercées dans le monde terrestre, pratiques, méthodes ou industries prétendument capables, par l’effet du « libre-arbitre » et des « œuvres », de faire advenir les lumières célestes. 

De la sorte, dans l’exercice de la prière intérieure, il convient de cesser toutes nos activités vocales et mentales, et donc de privilégier le « non-agir », le « non-faire », la pure passivité, et de nous « reposer » en toute confiance en Dieu : 

« J’irai vers toi, Dieu de mon être ; j’irai vers toi, tout souillé que je suis ; je me présenterai devant toi avec confiance. Je m’y présenterai au nom de ton éternelle existence, au nom de ma vie, au nom de ta sainte alliance avec l’homme ; et cette triple offrande sera pour toi un holocauste d’agréable odeur sur lequel ton esprit fera descendre son feu divin pour le consumer et retourner ensuite vers ta demeure sainte, chargé et tout rempli des désirs d’une âme indigente qui ne soupire qu’après toi. Seigneur, Seigneur, quand entendrai-je prononcer au fond de mon âme, cette parole consolante et vive avec laquelle tu appelles l’homme par son nom, pour lui annoncer qu’il est inscrit dans la milice sainte, et que tu veux bien l’admettre au rang de tes serviteurs ? » (Louis-Claude de Saint-Martin, Prière, II.) 

L’âme est certes unie à Dieu par l’amour, par un lien indéfectible, mais c’est Dieu uniquement qui en opère, par grâce, l’épanouissement dans le cœur de la créature, sans qu’intervienne la volonté qu’il faut écarter : 

« Ôte-moi ma volonté, Seigneur, ôte-moi ma volonté ; car si je peux un seul instant suspendre ma volonté devant toi, les torrents de ta vie et de ta lumière entreront en moi avec impétuosité, comme n’y ayant plus d’obstacle qui les arrête. Viens m’aider toi-même à briser ces funestes barrières qui me séparent de toi ; arme-toi contre moi-même, afin que rien en moi ne résiste à ta puissance, et que tu triomphes en moi de tous tes ennemis et de tous les miens, en triomphant de ma volonté.» (Louis-Claude de Saint-Martin, Prière, V.)

 

La « passivité de l’âme », forme ultime de la prière 

Il s’agit donc, en abandonnant la prière de formules, les litanies répétées mécaniquement, les lectures répétitives de textes religieux, de s’extraire de ce qui peut détourner l’esprit de la pure intériorité, de se dessaisir des facultés et de ne point se laisser aller aux pensées, de se dépendre de l’attention aux phénomènes, de retirer ses sens de leur attention instinctive envers l’externe, pour que, dans ce « vide » ainsi constitué au sein de l’absence silencieuse, puisse advenir dans l’âme abandonnée, la « Sainte Présence » : 

« Heureux l’homme que la Divinité daigne choisir, pour en faire un temple où elle vienne s’invoquer elle-même par son propre nom et y jurer en son propre nom qu’elle veillera sur ce temple, et qu’elle l’emploiera à l’exécution et à l’accomplissement de tous ses desseins ! » (Louis-Claude de Saint-Martin, La Prière, in Œuvres posthumes).

Notes.

  1. B. Pascal, Lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial de ses amis et aux RR. PP. Jésuites sur le sujet de la morale et de la politique de ces Pères, Paris, janvier 1656-mars 1657.

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