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Le vrai culte au « Dieu unique » face à l’idolâtrie impie

 

« Vous n’aurez point d’autre dieu devant moi … »

Il importe de remarquer, ceci afin de dissiper les illusions qui ont été délivrées sur le sujet depuis des décennies dans les milieux issus du papusisme, qu’il y a tout de même, lorsqu’on y songe un instant, quelque chose de tout à fait ahurissant à vouloir prôner « l’unité » de toutes les formes religieuses dans un cadre initiatique se revendiquant de la pensée de Louis-Claude de Saint-Martin, lorsqu’on connaît les positions qui furent celles du Philosophe Inconnu concernant les « cultes idolâtres », et ses sévères mises en garde à l’égard des rites mensongers et criminels qui se sont répandus sur la surface de la terre, après que la Tradition se soit divisée en différentes lignées « apocryphes ».

Saint-Martin a abordé de nombreuses fois le sujet des déviations religieuses et des cultes faux, mais c’est dans « Le Ministère de l’homme-esprit », qu’il exposa de façon relativement complète son analyse, parlant des trois sortes « d’abominations » – « abominations corruptrices » des facultés de l’homme ; « abominations pieuses » et « abominations idolâtriques » -, dans lesquelles est tombé le genre humain :

« Considérons donc la race humaine sous le joug d’un ennemi ingénieux et vigilant qui ne respire que pour la promener d’erreurs en erreurs, et qui lui a fait partout fléchir le genou devant lui, par le moyen même qu’elle avait en son pouvoir pour l’éloigner d’elle. Nous pouvons distinguer ces erreurs en trois classes ; savoir : 1) Les abominations du premier genre, et dans lesquelles toutes les facultés de l’homme se sont corrompues. 2) Les abominations pieuses qui ont sans doute commencé pour lui comme les précédentes, c’est-à-dire par sa propre corruption ; mais qui ensuite ont eu simplement empire sur sa faiblesse. 3) Enfin, les simples superstitions de l’idolâtrie qui descendent des abus et des erreurs des deux premiers genres, mais qui n’en ont pas les effets et les suites. Car on pourrait croire même que les superstitions puériles, et les abus secondaires où la faiblesse et la crédulité de l’homme l’ont souvent amené, ont pu aussi le préserver et l’empêcher de commettre des crimes plus essentiels, comme cela lui arriverait s’il possédait de plus grandes lumières, et qu’il fût dépositaire de plus grandes puissances. Et véritablement ce n’est pas tant des idoles qui ont une bouche et qui ne parlent point, dont il doit se défendre, que de celles qui ont une bouche et qui parlent ; qui ont des yeux et qui voient ; qui ont des oreilles et qui entendent, etc. Les abominations qui tiennent à cette seconde espèce d’idoles, et qu’il faut classer dans le premier genre, sont celles qui blessant la justice au premier chef, ont attiré sur les prévaricateurs des diverses époques, nombre de fléaux connus ou inconnus. Car combien de crimes ont été plongés dans l’abîme avec ceux qui les ont commis ? Ce qui nous en est conservé dans l’Histoire Sainte suffit pour nous faire présumer toutes les autres abominations qu’elle nous a cachées. Qu’on se rappelle la prévarication du premier homme, dont les suites ont été un changement absolu pour lui, et l’ont fait passer de la région de la lumière, à la demeure ténébreuse que nous habitons ; qu’on se rappelle les abominations de sa postérité jusqu’au déluge, et qu’on juge par l’immensité des coupables que ce déluge a engloutis, combien de crimes énormes ont été dérobés par là à notre connaissance ; qu’on se rappelle les abominations des Égyptiens et des peuples de la Palestine, qui ont attiré sur ces régions la colère de Dieu, au point de le forcer d’armer contre elles tous les éléments, toutes les puissances de la nature, et jusqu’au feu du ciel pour les exterminer. Enfin, qu’on daigne jeter un coup d’œil sur notre globe, on n’y trouvera peut-être pas un seul point qui n’offre encore des vestiges de la vengeance céleste contre les malheureux qui ont été assez insensés et assez coupables pour s’unir avec l’adversaire de la Divinité et ce tableau du globe sera une histoire parlante, encore plus certaine que celle que les livres nous ont transmise, et nous démontrera cette universalité de crimes dont ces livres ne nous instruisent point, ou qu’ils ne nous peignent qu’en abrégé, et comme par extrait. Depuis la manifestation de ces fléaux, les abominations du premier genre semblent aussi être devenues moindres ; et si elles n’ont pas cessé tout à fait, elles paraissent ne plus appartenir à des peuples en corps, et n’être pratiquées que par de simples individus. Mais les abominations du second genre en ont pris la place, et voici quelle a été leur origine. Par la pratique pure des sacrifices légitimes, le fidèle opérant et son peuple recevaient des témoignages visibles de l’approbation de la souveraine puissance ; ils recevaient des instructions pour leur marche dans la carrière sainte, et des réponses à leurs questions dans ce qui regardait la sagesse et la justice ; mais dès que la négligence ou la souillure se sont introduites dans ces sacrifices, l’action irrégulière s’y est introduite en même temps ; elle s’y est montrée visiblement sous telle forme qu’il lui a plu ; elle y a fait elle-même les réponses, et s’est établie comme l’oracle, et comme la véritable arche d’alliance. Combien d’opérants n’ont-ils pas été les dupes et les victimes de ces mensongères apparitions, et combien de ces opérants n’ont-ils pas gouverné les peuples par ces attrayantes séductions, après s’en être laissés gouverner eux-mêmes ? Cette action irrégulière leur communiquait des vérités, puisqu’il y en a qui lui sont connues par les imprudences de l’homme ; elle leur prédisait des faits qui arrivaient, elle répondait souvent juste à leurs questions ; cela suffisait pour qu’ils se prosternassent devant elle de bonne foi, quelle que fût la forme qu’elle empruntât, et quels que fussent les ordres qu’elle leur prescrivît. Telle est, n’en doutons point, la source de plusieurs religions et de plusieurs cultes sur la terre, ainsi que des atrocités dont elles ont été pieusement accompagnées ; car il faut soigneusement distinguer ces abominations secondaires d’avec celles du premier rang que nous avons déjà observées, et qui attaquaient volontairement la Divinité au premier chef ; au lieu que les secondes semblent n’avoir d’autre effet que d’égarer l’homme et de le priver du fruit des plans de cette Divinité, ce qui n’est l’attaquer qu’au second chef. Mais aussi elles paraissent remplacer par leur nombre et leur immensité, ce qu’elles ont de moins dans leur importance. » (Le Ministère de l’homme-esprit, Seconde partie – « De l’Homme », 1802)

On le constate, difficile de faire du Philosophe Inconnu avec de telles déclarations abruptes et radicales, le chantre de « l’unité transcendante des religions », d’autant que sa virulente critique des traditions idolâtriques et des cultes mensongers s’accompagnant des atrocités qui en marquèrent depuis des siècles la nature absolument infecte et corrompue, se double d’une sévère dénonciation des « professeurs de sciences occultes », se livrant à la divination ou aux oracles, « voies bâtardes et fausses » qui « éloignent les hommes de la seule et unique vérité qu’ils devraient prendre tous pour guide », lignes qui semblent avoir été écrites à destination des prétendus « martinistes » contemporains, qui osèrent placer leurs activités pseudos initiatiques, sous les auspices d’un maître dont, objectivement, ils nièrent et ignorèrent catégoriquement l’enseignement :

« Car c’est dans cette classe qu’il faut ranger tous ces professeurs de sciences occultes, auxquels le vulgaire ignorant donne indifféremment le nom d’illuminés ; tous ceux qui ont eu et qui ont des esprits de Python, qui consultent les esprits familiers et qui en reçoivent des réponses. Il y faut ranger tous ces oracles dont les traditions mythologiques sont remplies, toutes ces réponses ambiguës des sibylles de tous les peuples, et dont les poètes ont fait la base et le nœud de leurs poèmes, tâchant d’attirer notre intérêt pour leurs héros en nous les montrant comme des victimes de la fatalité, pour ne pas dire comme des dupes d’un mot à double entente, et en les faisant jouer ainsi au propos discordant, au lieu de nous les montrer marchant sous l’égide de la véritable et lumineuse sagesse. Il y faut ranger la plupart de ces prodiges qui s’opèrent dans l’assoupissement des sens corporels, et non par la renaissance de nos véritables sens, et qui livrent ainsi l’Homme-Esprit à toutes les régions qui se présentent, d’autant que nous avons lieu de croire que le crime de l’homme a commencé par le sommeil, et que c’est pour avoir laissé assoupir autrefois ses véritables sens, qu’il a été plongé dans l’illusion et les ténèbres. Il y faut ranger toutes ces voies bâtardes et fausses qui se sont ouvertes dans tous les siècles, et qui, sous l’apparence de la vérité, éloignent les hommes de la seule et unique vérité qu’ils devraient prendre tous pour guide. Il faut, dis-je, ranger dans cette classe tous ces abus, parce que, malgré la cessation des sacrifices dans une grande partie de la terre, il suffit qu’ils aient pris leur origine dans l’altération ancienne de ces sacrifices, pour se propager de siècle en siècle, et pour produire même journellement de nouvelles erreurs, attendu que cette source criminelle qui les a engendrés est vive, et saisit toutes les occasions que les hommes lui fournissent d’étendre son règne et de réaliser ses desseins. Il faut penser en outre que si la plupart des hommes vivent de bonne foi sous le joug de ces illusions et de ces iniquités, par ignorance, et faute d’instruction, il en est au moins un aussi grand nombre qui y portent leurs passions et leurs cupidités, au lieu d’y porter leur vertu, et qui, se rapprochant par là des abominations du premier genre, nous montrent combien dans tous les temps ont été et seront fondées les lamentations des prophètes. » (Ibid.).

Saint-Martin poursuit sa critique en se penchant sur l’ensemble des « superstitions » et des « idolâtries » qui se sont répandues chez tous les peuples éloignés de l’unique Vérité, et qui crurent compenser leur distance d’avec la Sainte Tradition sacerdotale, par des sacrifices sanglants impurs, sacrifices qui ont en réalité contribué à accroître, plus encore, l’enténèbrement général d’une humanité prévaricatrice :

« Enfin, la troisième classe de ces abominations, est celle des superstitions et des idolâtries de tous les genres. Les formes de toute espèce que sut emprunter l’action irrégulière pour altérer les sacrifices et égarer l’homme, ont été les principales sources de l’idolâtrie matérielle, parce que les opérants qui recevaient ces manifestations, étaient portés, par un penchant naturel, à honorer ceux des animaux vivants, et toutes les autres substances naturelles qui avaient des rapports avec les formes sous lesquelles l’action irrégulière s’était montrée ; et c’est de là que sont venues les adorations de tant de peuples pour différents êtres et pour différents objets de leur culte. De là à l’idolâtrie figurative ou à celle des images il n’y a qu’un pas, puisque mille circonstances ayant souvent forcé de substituer l’image de l’idole à l’idole même, la vénération du peuple a passé bien aisément de l’idole à l’image et à la statue. L’origine des apothéoses se trouve également dans cette source, parce que l’opérant a souvent été pris pour l’être même qui était l’objet du culte. Ainsi l’on reconnaît presque parmi tous les peuples une Divinité visible et une Divinité invisible ; on trouve dans le nord deux Odin ; l’un, Dieu suprême ; l’autre, conquérant ; on trouve de même deux Jupiter chez les Grecs, deux Zoroastre chez les Perses, deux Zamolxis chez les Thraces, etc. La source des superstitions populaires n’est pas plus voilée, et ce n’est pas la faute de leurs prophètes si les Juifs sont tombés dans ces idolâtries de tout genre, puisque le Dieu suprême est si clairement distingué dans leurs écritures, et particulièrement dans les psaumes, de tout ce que les hommes ont pris depuis pour Dieu. Mais en s’approchant des sacrifices, soit altérés, soit non altérés, et en s’approchant de toutes les cérémonies pratiquées dans les abominations secondaires, l’homme aura vu que dans telles et telles circonstances, avec telles ou telles préparations des victimes, enfin avec tel ou tel arrangement et disposition des substances, il est arrivé tel ou tel résultat ; il n’aura pas tardé à séparer de toutes ces formes l’Esprit qui devait les diriger et leur donner toute leur valeur ; et il aura attendu de cette forme, de cette substance, de cette cérémonie isolée, ce qu’elles avaient rendu lorsqu’elles étaient animées par leur mobile. On voit là comment les peuples en sont venus à consulter les entrailles des victimes jusqu’au moindre mouvement que faisait l’animal quand on l’immolait ; le vol des oiseaux ; les talismans ; les chiffres ; les amulettes ; la rencontre de tel ou tel objet ; enfin, cette multitude de signes naturels auxquels l’opinion, l’inquiétude, et la cupidité ont prêté partout une importance et une valeur qu’ils n’avaient plus. Tous ces tristes tableaux sont suffisants pour faire voir à quels écarts l’esprit de l’homme s’expose quand il cesse de veiller contre l’action irrégulière, qui, après l’avoir égaré dans le temps de sa gloire, l’a égaré encore lors de l’institution des sacrifices établis pour sa régénération, et a propagé ses désordres de manière à ce que l’homme ne puisse plus connaître le séjour de la paix, que sa demeure ne soit absolument renouvelée. » (Ibid.).

L’explication de cette terrible situation, nous est donnée par Saint-Martin dans un autre texte, dans lequel il expose pourquoi les idolâtries impies se sont multipliées parmi les différents peuples de la terre, insistant singulièrement sur « l’abomination égyptienne » qui répandit son infection jusqu’en Grèce :

« Car c’est une vérité qui n’est que trop certaine, qu’au lieu de chercher à rompre leurs chaînes, les hommes ne cherchent presque partout qu’à les accumuler sur eux-mêmes ; et soit par leur négligence à repousser leur ennemi, soit par leur imprudent empressement à voler au-devant de lui, l’humanité entière n’est presque divisée qu’en deux parties, dont l’une est constamment dans le sidérique passif ou dans un servile et funeste somnambulisme et l’autre, dans une activité sidérique plus funeste encore, en ce qu’après avoir atteint son terme, elle retombe dans le plus dur et le plus effroyable des esclavages. La moins nombreuse de toutes ces classes est celle des hommes qui planent au-dessus de ce sidérique et qui sont dirigés par l’esprit pur. C’est là la classe des hommes vraiment dans la ligne ou de ceux qui ont séparé en eux les métaux et se sont alliés à l’or éprouvé. Les Égyptiens, dont la terre est si saline et si brûlante et dont les fausses sciences sont également descendues de cette science sidérique criminelle, les Égyptiens, dis-je, se sont jetés sur des sciences qui tenaient à la nature et aux principes des êtres, savoir : celles des transformations. De là cette tradition mythologique de tous ces dieux, qui furent chassés du ciel et se réfugièrent en Égypte où ils se transformèrent en divers animaux. De là ces vestiges de magie et cette croyance aux sortilèges et aux enchantements de tout genre, qui infectent encore ces contrées et qui, par le moyen des anciennes colonies égyptiennes, infectèrent autrefois la Grèce et y portèrent toutes ces semences de transformations magiques et merveilleuses qui ont germé avec tant d’abondance dans la mythologie des Grecs et dans leur poésie. De là cette multitude de figures mixtes combinées de l’homme et des animaux, qui ont été empreintes sur les pyramides des Égyptiens et sur tous leurs monuments religieux ; de là enfin leurs recherches curieuses et assidues sur les transmutations métalliques, ce qui a donné à ces peuples un rang si distingué dans l’opinion des alchimistes  […] et ceux qui se glorifient tant de les avoir toutes expliquées par l’astronomie simple et dans l’agriculture, ont cru trouver aussi la clef de tous les cultes et l’origine de toutes les religions ; ceux-là, dis-je, n’ont pas seulement commencé encore leur état d’interprètes […] De cette même source sidérique dérive ce que l’on appelle enchantements, et comme le pur et l’impur traversent aussi cette même source et y apportent chacun leurs enchantements, les uns bons et les autres mauvais, on voit à quel foyer de mélange et d’oppositions nous sommes exposés dans cette fournaise ardente. Nous sommes en effet continuellement sous le joug d’une région active et puissante qui, indépendamment de ses propriétés physiques, par lesquelles elle gouverne les corps, a aussi des pouvoirs d’enchantements particuliers sur notre esprit, par les tableaux puissants et virtuels qu’elle peut nous présenter et qui, quelque séduisants qu’ils soient, nous tiennent cependant loin de notre véritable destination. Il est vrai qu’ils ne vont pas jusqu’à nous tenir tout à fait dans l’abîme. Mais par le voisinage où ils sont de l’abîme et de la région divine, ils nous exposent à recueillir autant d’erreurs que de vérités, à prendre les fruits de l’abîme pour des fruits purement sidériques, les fruits sidériques pour des fruits divins ; enfin, à hésiter perpétuellement au milieu de toutes ces complications, qui ont été sur la terre le principe d’autant de méprises que de clartés, qui ont multiplié les ténèbres autant que les lumières, la faiblesse autant que la force, le désespoir autant que les consolations. Aussi ne nous serait-il pas bien difficile d’apercevoir l’origine de la mythologie, puisque nous sentons sur notre être le pouvoir de toutes les diverses puissances de tout genre avec lesquelles notre nature primitive et notre nature secondaire nous mettent journellement en rapport ; et dès lors nous apprendrions bientôt à reconnaître qu’il y a une mythologie astrale, une mythologie élémentaire, une mythologie spirituelle, bonne et mauvaise, une mythologie humaine, une mythologie divine : car la mythologie historique, dont nous parlent les savants, n’est que comme un rideau qu’ils ont tiré, sans beaucoup de réflexion, sur toutes ces autres mythologies, prétendant que nous ne devions plus les voir, dès qu’ils ne les voyaient plus eux-mêmes. » (L’Esprit des choses, « De l’esprit astral ou sidérique », 1800).

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La conclusion de tout ceci est simple, elle relève d’une vérité centrale que l’Éternel révéla à Moïse (Exode XX, 3) et sur laquelle insiste Saint-Martin : « Lors donc que l’Amour suprême te vit t’égarer encore par le moyen même qu’il t’avait offert pour t’aider à rectifier tes voies ; lorsqu’il te vit te blesser de nouveau par ces objets sensibles qu’il avait exposés devant toi pour te distraire de tes douleurs, il ne put s’empêcher de faire retentir à tes oreilles, par des moyens plus actifs, cette importante ordonnance : ‘‘Vous n’aurez point d’autre dieu devant moi’’. » (Le Ministère de l’homme-esprit).

Voilà pourquoi, sachant d’où provient la lumière de la « Vérité », notre intelligence spirituelle authentique nous fait interdiction de nous attacher à des voies étrangères à la Révélation chrétienne :

« Par ce moyen notre intelligence nous défend de regarder comme une régénération pour nous, tout ce qui ne tient qu’à des faits extérieurs dans lesquels notre essence intime n’est pour rien, puisque ces faits ne sont pas plus liés à nous que les ouvrages d’un peintre ne le sont à l’ignorant qui les regarde ; en outre, elle nous défend de regarder comme un moyen de régénération tous les agents secondaires, et toutes les voies particulières où marchent tant d’hommes égarés, puisque toutes ces choses ne sont pour la naissance de notre intérieur, que comme l’application extérieure de quelques médicaments pour un malade dont toute la masse du sang serait viciée. Ainsi, par ce moyen, notre intelligence nous préserve de grandes méprises au sujet de notre avancement, et de grandes idolâtries envers la Divinité. » (Le Nouvel Homme, § 4).

Il n’y a qu’un seul germe fécond, qu’une seule essence incorruptible qui ne peut, en aucun cas, cohabiter avec les idoles :

« Semons encore un germe que nous laisserons croître ensuite, comme nous avons fait de tous les germes divers que nous avons déjà semés dans cet écrit ; puis nous en ramasserons les fruits et les récoltes à mesure qu’ils se présenteront. Ce germe c’est l’Arche de l’alliance. Voyez quels travaux le peuple juif a supportés pour transporter l’Arche d’alliance au travers des déserts, pour lui faire traverser les eaux du Jourdain, pour l’arracher des mains des peuples impies qui s’en étaient emparés, et qui l’avaient voulu faire habiter avec leurs idoles. Mais voyez en même temps avec quels témoignages de joie, et de jubilation David conduit cette arche sur la montagne sainte, en attendant que le temple de l’Éternel soit bâti. » (Le Nouvel Homme, § 16).


Conséquemment, nous ne devons élever un sacrifice qu’au Dieu véritable, sur un unique autel, en renversant tous les faux cultes et les idoles impies :

« Nouvel homme, lorsque tu seras entré dans la terre promise, souviens-toi de n’y sacrifier à ton Dieu que dans le lieu qu’il aura choisi pour que tu lui rendes le culte qui lui est dû. Non seulement tu n’imiteras point ces nations impies qui ont dressé les autels sur tous les hauts lieux, sous des arbres touffus, et qui là offrent leurs sacrifices au Soleil, à la Lune, et à toute la milice du ciel, mais tu renverseras tous ces hauts lieux, tous ces autels et toutes ces idoles qui y sont honorées ; tu ne laisseras pas subsister la moindre trace de ce culte impie, selon que le Seigneur ton Dieu te l’a ordonné, et tu viendras dans le lieu que le Seigneur t’aura indiqué pour lui immoler tes victimes. » (Le Nouvel Homme, § 27).

En forme d’ultime conseil, Saint-Martin nous confie cette leçon fondamentale qui doit s’inscrire en nous afin qu’elle y devienne un principe constant et permanent, principe consistant à connaître comment adorer le « Dieu unique » qui s’est choisi un lieu pour y être glorifié, un lieu qui est également un « Sanctuaire unique », c’est-à-dire « le cœur de l’homme » lorsqu’il est libéré de l’idolâtrie des cultes impies pour n’y laisser régner que le seul « Être » qui soit la « Vérité :

« Compare les doctrines des autres dieux avec celle que tu pourras apprendre du Dieu unique, dans le sanctuaire unique, qu’il s’est choisi dans le cœur de l’homme. Ces autres dieux t’enseigneront des merveilles sujettes au temps, des merveilles qui, si elles s’accomplissent quelquefois, seront encore plus souvent le jouet des vicissitudes de la région mixte à laquelle ces dieux sont servilement attachés, des merveilles qui malgré leur accomplissement même s’effaceront de ta mémoire après que l’événement sera passé, et ne te laisseront pas plus de traces que les faits qui t’ont occupé dans ton enfance. Ils te donneront aveuglément ce qui leur est donné, sans qu’ils en puissent prévoir les conséquences, et sans qu’ils sachent si ce sera pour ton avantage ou pour ta ruine ; parce qu’ils sont aveugles eux-mêmes, qu’ils ne devraient être que les organes de la lumière, et que si tu ne prends pas les plus grandes précautions pour préserver ces organes mêmes de tous les mélanges qui les menacent, ils pourront se transformer en principes à tes yeux, et prendre devant toi le titre et les caractères du maître, tandis qu’ils n’ont été envoyés que pour être les serviteurs ; heureux encore si ce ne sont pas leurs ennemis mêmes qui viennent siéger sur leur trône, et t’entraîner ainsi de la méprise à la superstition, de la superstition à l’idolâtrie, de l’idolâtrie à l’iniquité et à l’abomination ! Avec le Dieu unique qui a choisi son Sanctuaire unique dans le cœur de l’homme, et dans ce fils chéri de l’Esprit que nous devons tous faire naître en nous, tu n’as point les mêmes dangers à craindre, et tu n’auras que des fruits salutaires à recueillir, parce qu’il est l’Être simple, l’Être vrai, le seul Être qui soit impassible à toute influence qui ne serait pas celle de la Vérité ; aussi s’est-il réservé à lui seul le pouvoir de la faire connaître, et de la manifester dans toute sa pureté ! » (Ibid.).

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